Lune brisée - Chapitre I - II

Culture de l'imaginaire et jeux de rôle - Les gens se réunissent dans ce lieu enchanté pour parler de l'imaginaire.

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Lex
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Lune brisée - Chapitre I - II

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Froide et lointaine beauté... Présence rassurante, encourageante mais souvent cruelle... Bienfaitrice et exigeante... Douce et violente... Les dieux se complaisent dans la recherche du pouvoir, dans la protection, dans l'anéantissement, dans la reconnaissance enfin. Mais si certains ont droit à des divinités bienveillantes, d'autre à des tyrans ou des êtres dénués de raison humaine, toi tu n'as pas droit à la perfection ignée de Merin, ni à la noirceur abyssale de Salaüel. Tu n'es qu'un jouet dans les bras d'Yllia, elle se saisit de toi, joue avec ta naïveté, te rend plus fort avant de te laisser choir. Tu n'es pas seul mais peut-être puis-je te sauver. Il te faudra franchir bien des épreuves cependant...

Le combat n'est jamais anodin, mais il a souvent deux origines bien différentes, la poursuite de la cause juste, oui celle qui ne peut être aucunement corrompue ou abandonnée à l'adversaire ce monstre ou cet aveugle qui se trompe. Mais bien souvent il ne concerne que la recherche d'un plaisir sanglant pour l'une des parties en présence. Si la première à souvent une fin, l'autre non, l'une donne un arrière-goût amer à la situation, tant d'âmes abandonnées pour une raison obscure ! L'autre ne fait que perdre un peu plus foi en la vie, devenu simple arbre dont on arrache les fruits pour s'en délecter un instant sans une pensée au temps qu'il a fallu pour les faire mûrir.

A présent tu vas comprendre... Regarde ces corps robustes, ces armes, ces armures. Mesures-tu le temps qu'il a fallu pour rassembler cela ? Même toi peut comprendre ce que coûte chacun des guerriers de ton peuple, tente d'imaginer pour les humains... Que vois-tu ? Une plaine verdoyante ? L'autel sur lequel ont été immolés les braves ? Le lieu d'une victoire pour un belligérant quelconque ? Non, bien sur ce que tu vois c'est une offrande à Yllia, le prix à payer à Yllia, le présent offert à Yllia, la volonté d'Yllia, la récompense décernée à Yllia, le but de ta vie envers Yllia, Yllia, Yllia, Yllia...

Les nuages se sont décidés à faire tomber la pluie, non, pas la pluie, une bruine froide et opaque qui constelle l'herbe de gouttes, et donne une teinte délavée au sang sur les corps. Ce fluide vital ne séchera pas. Etrangement, aucune silhouette pour s'occuper des cadavres, les entasser les enterrer ou même les dépouiller. Si pourtant, des mouvements, des bruits étranges... Un groupe de grandes créatures s'affairent autour des corps des hommes, ce bruit... De la chair arrachée et déglutie, des mâchoires qui s'affairent dans une chorégraphie répugnante. Ceux qui festoient en ces lieux ne sont arrivés que fort tard, mais c'était prévu... La naïveté les a quittés. Tous. Leur vision n'a plus de filtre, elle n'est plus faussée. Alors libres et désespérés, ils dévorent.

Tes pupilles s'agrandissent, tu réalises! L'image de ce combat s'estompe en toi, observe la encore c'est ton dernier espoir... C'est terminé à présent, tu vois. Ces guerriers... des proies, ceux là... des prédateurs. Qu'Yllia les bénisse ! Ils l'ont bien servie, n'est-ce pas ? De vrais bons petits tueurs... Et ce que tu vois... ce sont des cadavres, des cadavres à perte de vue ! Ces guerriers promis à une belle mort, ce ne sont que de la chair. Regarde, mes frères s'en repaissent. Satisfait ? Si tu avais agi jusqu'au bout, tu aurais servi ta déesse... et tu serais devenu un tas de chair.

La douleur s'estompait lentement, bientôt il pourrait se mouvoir à nouveau, et quitter cet endroit de cauchemar. Mais le wolfen restait immobile sur le sol, sa main crispée sur le manche d'une arme qui n'existait plus. Sa tête était reposait sur l'herbe, tournée vers le groupe de dévoreurs d'où provenaient les ignobles sons du festin, son regard passait alternativement des cadavres à ces charognards, puis restait suspendu dans le vide. Impossible de dire si les gouttes au coin de ses yeux provenaient du ciel ou non, lui-même l'ignorait. Un dévoreur se tenait assis à ses côtés un rictus de satisfaction aux lèvres. Son pelage noir se détachait de moins en moins de l'herbe, au fur et à mesure que Lahn quittait le ciel. Ses yeux brillaient, de folie ? Plutôt de passion. Il porta encore une fois son regard vers le wolfen inerte, sans réaction. Il continua son récit, sachant qu'il écoutait malgré tout, son âme avait été bien plus blessée que son corps...

Que vas-tu faire ? Tu peux attendre qu'Yllia se dévoile, ce serait une bonne idée, je pense, à moins que tu ne craignes quelque chose ? Bien sûr, j'oubliais... Tu abandonnes tes frères, tu prêtes l'oreille aux paroles de méprisables traîtres, vas-tu dans ces conditions oser la regarder en face ? Elle va bientôt se dresser telle la reine de la nuit, fantomatique et pâle, tu ne pourras pas supporter bien longtemps son insoutenable présence. Tu sais tu n'est pas le premier, notre quête a déjà commencé... Le précédent à perdu la raison, oui, incroyable n'est-ce pas ? Je l?ais forcé à soutenir le courroux de ta déesse, à la renier, il n'en a pas eu la force... mais les faibles doivent mourir, ne penses-tu pas ? C'est bien là ce que ton instinct te dicte, du moins à chaque affrontement...

Lahn avait presque disparu, les nuages avaient désormais une teinte rouge qui se réfléchissait sur les objets métalliques éparpillés sur le sol et donnait une allure irréelle à l'endroit. Ces mêmes nuages dissimulaient en grande partie le ciel comme pour retarder la venue de la lune, une scène de théâtre improvisée en quelque sorte. Le wolfen continuait à fixer les dévoreurs, ignorant le ciel prométhéen, alors que ceux-ci avaient abandonné les restes de leur repas. Tandis que ce groupe arborant des ornements effrayants et des armes dignes de cauchemar se redressait, le dévoreur leur fit signe de les laisser, ce qu'ils firent emportant quelques armes avec eux.

Bien, le moment est proche. Tu souhaites revenir dans ta meute et oublier mes paroles. Je pourrais te laisser faire après tout, le temps joue pour moi, car ce qui est semé finit par germer. Tu ne me suis pas ? Tu n'as jamais vraiment utilisé ta tête, enfin tu crois l'avoir fais. Alors laisse moi te décrive ce qui va se passer...

Le soleil avait disparu, les nuages n'étaient plus que des formes plus sombres dans le ciel, sauf l'un d'entre eux derrière lequel se devinait une lueur, lueur qui devenait de plus en plus vive. L'arrivée de sa majesté la lune était imminente! Les yeux du wolfen roulèrent dans leurs orbites et il émit un gémissement en tentant de se lever. Le dévoreur le saisit par les épaules et le secoua un bref instant.

Restes ici ! Tu ne m'échapperas pas comme ça... là, calme-toi. Je poursuis... Tu fuis cet endroit, bien sûr, c'est ce que tu comptes faire. Tu fuis et parviens chez toi, et là c'est fini, tu oublies et redeviens un grand guerrier, peut être même un prédateur. Hé bien non, ce n'est pas ce qui va se passer, pour moi qui suis éveillé une telle évidence est amusante. Tu vas peut-être oublier, le temps d'une nuit. Si tu supportes son regard, bien évidemment. Mais le lendemain, tu observeras ta meute et tu les verras... Qui ? Ceux qui ont disparu aujourd'hui, qui vont être révérés par ta meute. Tes compagnons, ils partiront en quête de leurs corps. Mais toi tu sauras... ce ne sont pas des héros, ce sont des tas de chair... Si ce n'est nous, d'autres se chargeront de les dévorer.


Du nuage qui seul occupait encore le ciel jaillirent des faisceaux d'une lumière froide, extrêmement glacée. Tels les trompettes annonçant l'arrivée d'un haut personnage, les rayons précédaient la reine de la nuit.

Ferme les yeux si tu le souhaites, il faut parfois se donner du courage. Tes amis tu le sais sont morts pour rien, rien, rien que le néant, pour cette tâche de lumière que tu vas apercevoir. Nous allons la regarder ensemble, tu veux bien ? Tu vas constater tes erreurs, tes errements. Puis dans les jours qui vont suivre, l'idée de tes compagnons morts pour ça va te hanter, te hanter... Alors tu sauras que tu dois la renier. Pour eux tous...

Le vent achève alors de déplacer le nuage, et Yllia rayonne dans le ciel, majestueuse et puissante. Sa lumière éclaire la tête du wolfen dont les yeux étaient clos, le dévoreur l'observe avec une légère anxiété. Cette maudite sensation s'éteint peu à peu en lui mais il n'a pas pu encore s'en défaire malgré tout ce qu'il a vécu. Se reprenant, il tira le wolfen pour qu'il se mette debout mais celui ci garde le regard rivé au sol.

Regarde ! Et écoute ton c?ur !

Le wolfen garda les yeux clos, le dévoreur le regarda un moment puis lui prit violemment la tête et la tira en arrière, avant de frapper sa blessure à la jambe. Sous la douleur le wolfen grogna et ouvrit des yeux écarquillés. Yllia se refléta brutalement sur ses iris, tache blanche au milieu d'un océan de noirceur. L'astre accusateur lui brûlait les yeux, et le poursuivit même lorsqu'il les referma. Se défaisant de l'étreinte de son bourreau, il se mit à courir aussi vite que lui permettait sa blessure, toujours éclairé par la lumière froide et impitoyable venant du ciel.

Cours, cours, le vite possible ! Tu lui échapperas quand tu la verras telle qu'elle est !


Et Tyrias courut, courut...
Modifié en dernier par Lex le jeu. 14 juil. 2005 17:06:31, modifié 1 fois.
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Petit lexique (pour tout ceux qui ne connaissent pas Confrontation) :

Lahn : c'est le dieu soleil.

Merrin : le dieu "unique".

Salaüel : un dieu des ténébres.

Vile-Tis, alias la Bête : dieu déchu. personne ne sait trop qui il est.

Yllia : déesse mère des Wolfens, c'est la Lune.


Dévoreur : wolfen reniant Yllia et ayant tourné sa foie vers Vile-Tis.

Wolfen : "homme-loup" d'environ trois metres de haut.
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La nuit touchait presque à sa fin, et Yllia avait fini par quitter le ciel. Pendant des heures le wolfen qui courait avait été illuminé de sa lueur accusatrice et implacable, des heures de souffrance et d'agonie pour ses croyances et sa vie antérieure. Un rayon impitoyable l'avait poursuivi durant sa fuite éperdue, cette lueur qu'il aimait tant... avant.

Elle est si froide... ce froid... Je l'ai abandonnée, et elle me hait, oui ce froid c'est la marque du dédain et du mépris d'Yllia ! Je ne suis plus rien, rien qu'un traître envers elle, j'aurais du mourir là-bas... ou vaincre.

Le village n'était plus très loin, et pourtant il n'en serait jamais plus éloigné... Tout pouvait recommencer, il avait survécu, ce combat n'en avait pas été un, non massacre lui rendait mieux justice. Au milieu de la peine de la meute, il pouvait être le héros, le rescapé, le témoin. Il ne serait même pas un paria, non un héros de sa meute, dont le nom figurerait sur les pierres. Mais un héros ne revient pas l'âme brisée, il ne peut être l'étendard de la honte... Les mots du dévoreur lui brûlaient la tête, tandis qu'Yllia gelait son c?ur.

Te hanter, te hanter... Tu n'avais tort que sur un point, mystérieux tortionnaire, ce n'est pas d'ici demain que ma vie va s'écrouler, c'est dès à présent. Je vais me voir confier des honneurs qui me font vomir, je serais son jouet une fois encore. Ils ne comprendront pas, ils n'ont pas vu, ils croient savoir ce qui s'est passé. ... elle me brûle, elle me gèle ! Elle ne me laissera pas de répit tant que je ne me serais pas sorti ces atrocités de l'esprit, elle me désire encore, je suis un héros, un héros...d'Yllia.

La rivière qu'il connaissait tant surgit, serpentant entre les arbres, agitée et remuante. Elle était d'un noir de jais, et la lumière sélène s'y réfléchissait durement, semblable à une multitude d'éclairs crépitant dans l'obscurité. Elle menait droit au village, telle un tapis d'étoiles, funeste malgré les sons cristallins qui en provenaient. Tyrias hésita à sa vue, il devait la franchir pour rentrer chez lui. Enfin décidé, il sauta d'un bond et l'eau glaciale apaisa sa jambe, cette fraîcheur-là était vivifiante et non mortelle comme celle de l'astre qui le suivait.

Pose tes yeux partout si tu le veux ! Vois comme je les disperse ! Non, mon destin ne s'arrête pas ici. Il bifurque... Le héros ! J'ai fui cet inquisiteur, ce monstre prêt à s'immoler pour son dieu. J'aurais pu frapper encore et encore mais j'ai su discerner en lui une volonté plus forte que la mort, il ne restait plus suffisamment de frères, alors, quand la lame à pénétré ma chair je suis tombé ; il m'a ignoré et je pouvais partir, mais IL m'est tombé dessus, lui et les siens... Les éveillés...

Grelottant de froid, le wolfen parvint devant un ensemble de pierres sur lesquelles Yllia faisait apparaître des inscriptions que lui ne saurait probablement jamais interpréter. Il observa ces pierres qui constituaient l'une des innombrables marques de dévotions envers la déesse ; il se remémorait tous ces gestes autrefois anodins qui devenaient à présent lourds de sens.

Des cailloux, oui c'est ça, de simples cailloux...


Son regard se fit dédaigneux et hautain, ce bain improvisé lui avait fait le plus grand bien, une froide constatation des événements lui convenait bien mieux que les pensées brûlantes qu'il venait d'endurer. L'atmosphère semblait doucement s'échauffer, il pris conscience qu'il ne sentait plus que la fraîcheur de l'eau, un froid réel, celui là. Il finit par se retourner et observa l'aube qui pointait.

Tu vas te cacher derrière Lahn, face à lui tu n'es rien. Tu n'avais que cette nuit, et tu vas échouer ! A présent je quitte ton étreinte, et c'est moi qui déciderais pour combien de temps, un jour... ou à jamais.

Il s'assit sur une pierre, et observa ses jambes, sa blessure semblait en bien meilleur état qu'il ne l'aurait cru. Son regard se porta vers les ornements qui décoraient ses cuisses ; retenant son souffle, il les retira d'un geste sec, sans un cri, un peu de sang s'écoula sur son pelage. Il saisit dans ses poings les croissants ensanglantés et les regarda fixement.

Amusant... Je n'y pensais plus. Tout peut changer, le plus dur a déjà été fait, l'esprit change bien plus difficilement que la chair. Voilà l'occasion de leur suggérer la vérité, une épreuve préparatoire en quelque sorte...


Il disposa soigneusement les deux bijoux inutiles sur l'un des autels, le souillant de son sang. Puis Tyrias s'endormit sur un tapis de feuilles proches, il fallait que les retrouvailles soient collectives. Les premiers rayons du soleil frappèrent la fourrure du wolfen qui se soulevait doucement, à intervalles réguliers, il se mit à frissonner.

Des sifflements, des sifflements et des détonations ! Est-ce une façon de mourir pour un wolfen ? Les griffons ne se battent pas dans le même esprit que la meute, non, rien n'est universel. D'abord un, deux, puis trois guerriers s'effondrent, ils ne pourront pas mettre à l'épreuve leurs qualités martiales. Pourquoi charger ? La mêlée... l'offre du sang. Les fils d'Yllia tuent... les fils de Merin. Le lancier... cet homme... il ne faisait même pas la moitié de Tyrias, il dardait son dérisoire armement vers le prédateur parfait. Au moment de la charge, il avait perçu avec une acuité extrême tous les gestes de son adversaire, ses mains tremblantes, son corps raidi. Quand son casque vola, il avait pu voir son regard, des yeux étranges... la terreur du naturel et du surnaturel. La mort entre les crocs d'un monstre ou le jugement d'un dieu... Et lui aussi avait eu peur, il avait fait le mort, mais le dévoreur ne lui avait pas permis de sentir le remord. Et au fond ? L'Akkylannien n'était plus qu'un repas pour ces êtres, lui vivait encore...

A son réveil, il sentit d'abord la douce chaleur de Lahn, le vent qui faisait doucement bruisser les arbres, le murmure de la rivière. Ouvrant les yeux, il aperçut un visage interrogateur, un jeune chasseur qui lui tenait l'épaule et qui s'écarta doucement, avec une sorte de respect mêlé d'admiration. Tyrias se redressa et se retrouva face à un petit groupe de jeunes et quelques adultes. Tous avaient le même regard, une incrédulité teinté de curiosité.

Tu es revenu, qu'Yllia te bénisse !

Tu ne sais pas à quel point... Ainsi le lâche va devenir le héros. Mais tu ne peux pas encore comprendre, ce que survivre et surtout revenir a pu signifier.

Les jeunes l'entraînèrent tandis qu'il était pressé de toute part de questions, mais Tyrias cessa de marcher et regarda derrière lui le spectacle qu'il attendait, avec envie et crainte. Cauchemar ou réalité ? Il avait survécu à la bataille, il avait tué à tours de bras, alors pourquoi regarder l'autel ainsi ? Et tout ressurgit... Une jeune louve fixait son regard sur l'autel, son regard cristallin supportant à peine ce qu'elle voyait, la mâchoire serrée, le dos frissonnant. Elle fit un pas vers la pierre et dissimula prestement le sanglant souvenir de la nuit précédente.
Tyrias eut un fugitif instant un rictus, le doute allait s'installer, à lui de prendre l'initiative !

Ignorant l'étrange comportement du survivant la meute le conduisit devant une grande tente ornée d'offrande à la déesse. Tyrias hésita puis aperçut le shaman qui se tenait au fond, visiblement attendant sa venue.

Tu aime les honneurs ô déesse ! Vois, je n'ai pas peur de pénétrer en ce lieu, ce sanctuaire... moi j'aperçois des peaux d'animaux morts, et leurs ossements, des pierres taillées, des plantes... ils les voient aussi mais perçoivent ce que moi je ne sens plus. Ils ne me suivront pas, ils n'ont pas le droit... est-ce seulement le courroux de leurs aînés dont ils ont peur ? Les murs sont insupportables une fois visibles. Il a fallu tous ces morts pour que je les vois. A présent ils se dressent, horribles et hideux devant moi. Mais moi je vais les escalader ou même... les abattre.

Tyrias dit ce qu'il fallait dire, la gloire posthume des wolfen, et le terrible prix payé. La mort de toutes les proies, fauchées par les fils d'Yllia au prix du sang... Son ascension ne faisait plus aucun doute. Le chef de meute avait rejoint ses ancêtres, ses rejetons allaient s'affronter, mais pas qu'eux, un regard appuyé du shaman le lui fit comprendre. Quelle ironie ! Il obtenait ce qu'un wolfen tel que lui pouvait espérer de mieux, non il ne serait pas un paria mais peut-être le maître...

Le soir venait doucement, Lahn avait fait son devoir, et ne daignait accorder au monde que quelques rayons. Une silhouette se tenait près des pierres, un wolfen au regard dur, qui attendait... Une autre s'approcha sans bruit et suivit Tyrias alors que celui-ci s'approchait du bord de la rivière. La louve attendit un moment puis le wolfen se tourna vers elle. Il fixa avec force et certitude les beaux yeux cristallins de la vestale. Elle avait perdu trois frères la veille, et maintenant cachait un lourd secret ; elle serait la porteuse du message.

L'esclave tient solidement sa chaîne contre lui, de peur qu'on ne la lui brise. Tu es une charmante esclave, tu serviras encore plus fidèle ta maîtresse à présent qu'elle t'a fait tant souffrir. Mais voilà que celui béni par Yllia, le vainqueur, reviens et souille son autel. Et avec délice !

Pourquoi ?

Les mots moururent dans la gorge de Melys quand le guerrier s'approcha d'elle, et lui saisit le bras. Le souffle coupé, elle se laissa tirer vers la berge boueuse, les yeux emplis de désarroi. Tyrias la fixa un instant, elle, le symbole le plus fort de sa déesse. Il regarda l'eau du coin de l'?il, et vit Yllia qui s'y dressait.

Regarde ! Saisissant un branchage il frappa violemment la surface d'une flaque, là où se dressait la déesse. Les yeux de la vestale s'écarquillèrent. Puis il arracha d'un coup sec les colliers de la louve et tint devant ses yeux les amulettes et bijoux sélènes, les fit miroiter sous la lumière de la lune puis les jeta d'un air négligent dans la rivière. Les yeux de Melys s'embuèrent, il la poussa violemment à terre, dans la boue et lui administra un coup qui l'a laissa sans forces. Va la rejoindre ! Saisissant la louve, il la projeta dans l'eau glaciale. Et s'éloigna sans un regard pour la pauvre créature qui se hissa à terre et s'écroula en sanglotant. Les murs ne seraient plus que ruines...

Un beau spectacle... il n'a pas encore tout saisi, mais descelle la chaîne plutôt que de la briser, il est parfait...
Ce qui a été semé...
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